Télédétection spatiale : les sargasses font l’actu
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Le programme international sur les sargasses lancé officiellement le 26 octobre 2019 prévoit la mise en œuvre d’un système d’alerte et de surveillance à l’échelle du bassin caribéen. Retour sur la place de la télédétection spatiale dans cette problématique.
Les sargasses, ces bancs d’algues brunes, nauséabondes et toxiques font fuir les touristes et empoisonnent de plus en plus la vie des habitants des Antilles. Un colloque international sur le sujet s’est tenu la semaine dernière en Guadeloupe, au cours duquel le Premier Ministre a pris la parole. Il s’est clôturé par une déclaration commune de coopération internationale. Est ainsi officiellement lancé un programme caribéen, financé par l’Europe, associant France, Mexique, Brésil, Costa Rica, république dominicaine et association des États de la Caraïbe. Il permettra de partager les bonnes pratiques mais surtout d’avancer ensemble vers une meilleure connaissance du phénomène et de ses conséquences. Un « centre d’alerte et de surveillance qui traitera de la télédétection et de la surveillance de la qualité de l’air à l’échelle du bassin caribéen » est inscrit dans la déclaration finale (source AFP). De fait, l’imagerie satellitaire est depuis plusieurs années utilisée pour assurer la détection des bancs en formation et suivre leurs déplacements.
Images et courants
Peu à peu la méthodologie s’est affinée grâce aux travaux de recherche menés par les universitaires et des entreprises comme I-SEA ou Nova Blue Environnement (voir résumé d’article sous ce lien). Plusieurs prototypes ont été testés, notamment par les services de l’État. Ainsi, I-SEA a régulièrement fourni des bulletins à la DREAL en Guadeloupe en 2018. La méthode est globalement basée sur l’association entre images satellitaires et données de courantologie. Afin de distinguer les radeaux de sargasse des autres formations végétales qui se forment au large (autres algues par exemple), la signature spectrale (combinaison de bandes – indice AFAI) est combinée à l’analyse de forme. Si les images à faible résolution spatiale (comme MODIS) sont faciles à utiliser (indice AFAI précalculé et revisite quotidienne), elles sont de plus en plus complétées par des données à meilleure résolution (Sentinel 2 et 3), afin d’éviter de surestimer les bancs au large. Les données de courantologie (HYCOM) permettent ensuite de prévoir le déplacement futur des bancs d’algues.
Approche régionale avec CLS en tête de pont
En 2018, CLS (filiale du CNES, d’IFREMER et d’ARDIAN) a remporté un projet de l’Agence spatiale européenne (ESA) pour développer un système d’observation des sargasses, en collaboration avec Nova Blue Environnement, un bureau d’études martiniquais. Depuis juin 2019, le consortium (qui compte également I-SEA) rédige les bulletins produits chaque semaine par Météo France pour quatre zones des Antilles. Ces derniers sont financés aujourd’hui par le ministère en charge de l’écologie (MTES) et publiés sur les sites des DEAL (Voir Guadeloupe sous ce lien). Le 26 octobre, CLS a publié un nouveau communiqué de presse annonçant son utilisation par une quarantaine d’acteurs locaux aux Antilles. L’entreprise y précise sa méthode qui s’appuie désormais sur six satellites optiques et deux radars (utiles en cas de forte couverture nuageuse). Le produit est désormais exploitable directement sous forme d’une interface Web baptisée SAMTool.
Même si l’observatoire est aujourd’hui pleinement opérationnel, il peut certainement être amélioré. Dans un colloque au Québec fin 2018, Jean-Philippe Maréchal fondateur de Nova Blue Environnement annonçait une mission aéroportée scientifique en 2019 afin de valider les données satellitaires et corriger les modèles de dérives.
Gageons que le système de surveillance mentionné dans le nouvel accord international s’inspirera de ce qui est déjà en place aux Antilles françaises. Mais pour développer une véritable « météo des sargasses » comme l’appelle de ses vœux Jean-Philippe Maréchal, il devra gagner en précision.