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OSM : Même pas peur !

Catégorie: Cartographie, Données, Entreprises, Environnement, Institutions, Logiciels, Mobilité, Open Data, Recherche, Reportages, Réseaux/Transports, Secteur public, Utilisateurs

Le rassemblement de la communauté OpenStreetMap a affiché complet en ce premier week-end d’avril, avec quelque 350 participants sur trois jours. Il a même fallu changer de salle pour la première journée dédiée aux professionnels. La preuve que le projet de carte collaborative du monde fait de moins en moins peur aux institutionnels.

Couverture OSM de la France : encore un peu de travail mais déjà largement exploitable

Couverture OSM de la France : encore un peu de travail mais déjà largement exploitable

Des données, des outils, une plateforme de stockage, une communauté active, le tout sans bourse délier… le projet OpenStreetMap (OSM) a tout pour plaire. Et même si certains s’inquiètent toujours sur la qualité et les licences, les organismes publics et privés qui intègrent OSM sont de plus en plus nombreux.

Ceux qui testent

Dans quelques institutions, l’heure est aux tests et à l’évaluation. Ainsi, le CEREMA a commandé une prestation d’extraction des données OSM sur les points d’arrêts de transports publics à Carte Libre, afin de les comparer avec les données qu’il récupère auprès des collectivités et autorités organisatrices de transport dans le cadre de la constitution d’une base nationale des arrêts et lignes de transports en commun (base ATC). Les scripts développés peuvent être rejoués à volonté et ont déjà montré le dynamisme de la base, passée de 45 000 à 57 000 points d’arrêts en quelques mois. Mais ce sont également les parkings, gares, sites de vélos et de voiture en partage qui sont exploités. Même s’il n’est pas question de substituer OSM aux bases officielles, l’intégration de cette couche de tests a plusieurs vertus. Elle permet de réaliser des prototypes d’analyse, de comparer les bases (ce qui n’est pas toujours au désavantage d’OSM), ce qui pourrait conduire à développer des outils de réconciliation destinés à améliorer les données officielles.

Ceux qui consomment

Certains consomment aujourd’hui de l’OSM, au même titre que d’autres données. Pour construire sa plateforme de mobilité, mobil.essonne, le département de l’Essonne fait appel à de nombreuses sources : ses propres bases mais aussi Vianavigo, Météo-France, V-Traffic et OSM. Cette dernière permet de proposer un calculateur d’itinéraires vélo et piéton et d’enrichir la base de suggestions dans le moteur de recherche. À Avignon, OSM sert de fond de plan tuilé pour la diffusion Internet. À une échelle beaucoup plus grossière, certaines données OSM sont exploitées dans le projet Weastflows qui vise à renforcer la logistique du fret en Europe du Nord-Ouest et à encourager des formes alternatives à la route. Une fois les bonnes extractions réalisées (non sans un peu d’huile de coude, semble-t-il), les vecteurs OSM des grandes routes européennes ont servi de base à la réalisation d’analyses et de cartes de flux sur le trafic.

Ceux qui contribuent

Le site http://mobil.essonne.fr/ utilise entre autres les outils et données OSM

Le site http://mobil.essonne.fr/ utilise entre autres les outils et données OSM

Approche radicalement différente à Dammarie-les-Lys en région parisienne, où OSM a permis de réaliser en interne un plan de ville après de grosses opérations de rénovation urbaine. Ici, ce sont tout autant les outils (intégration de données, Potlach, réalisation de cartes avec MapOSMatic) que les données qui sont appréciées. GPS et arrêtés de voirie en mains, quelques techniciens ont mis à jour la base OSM et l’ont complétée avec de nombreux points d’intérêt. Ainsi, la collectivité a choisi de contribuer directement à l’enrichissement de la base et a misé sur les outils de la plateforme pour structurer les données. Dans une moindre mesure, c’est également l’approche développée par Quentin Paternoster dans le cadre de son stage au parc naturel régional des Mille Vaches en Limousin. Il a saisi les données nécessaires à la réalisation d’une carte touristique du parc. Même si le PNR n’est pas allé plus loin que cette première expérience, le jeune géomaticien a rencontré à cette occasion associations, offices du tourisme et habitants qui, eux, ont développé différents projets à l’aide des outils OSM (identification des logements vides à Felletin par exemple).

Ceux qui innovent

Certains vont encore plus loin et poussent OSM dans ses retranchements. Ainsi, la SNCF transilien, engagée depuis longtemps dans l’open data, a travaillé en étroite collaboration avec l’équipe d’OSM France pour mettre au point une méthode pour cartographier l’accessibilité dans ses 381 gares. Après que cette méthode ait été testée par quelques contributeurs avertis sur les 90 gares du RER C, c’est maintenant au tour d’une équipe de seize étudiants de la junior entreprise de Telecom SudParis de réaliser une microcartographie des autres gares, sur la base d’un cahier des charges précis, référençant les nombreux éléments qui composent le thème (escalators, ascenseurs, mais aussi contremarches peintes en rouge, rampes, etc.). Des éléments qui seront prochainement mis à la disposition de tous, et notamment des développeurs, pour faciliter l’émergence d’applications comme No Way, calculateur d’itinéraires piétons qui a remporté le premier prix du hackathon « Hackcess » organisé par l’entreprise en novembre 2013.

Ainsi, chacun apprivoise OSM comme il le peut et comme il le souhaite. Mais ce rapprochement avec les institutionnels pourrait avoir des conséquences plus profondes, notamment sur la gouvernance du projet. Une fois qu’une entreprise comme la SNCF ou une collectivité a créé des couches dans OSM, ces dernières peuvent être modifiées par toutes sortes de contributeurs, quitte à remettre en cause une information « officielle ». Sans parler de malveillance qui reste très anecdotique et contre laquelle OSM est bien armé, n’oublions pas que les données sont toujours porteuses de visions du territoire. Pensons par exemple au thème de l’adresse, qui n’est pas forcément vu de la même façon par un vieil habitant, un pompier et un responsable des espaces verts. Il est certes possible de « tagguer » les données selon leur provenance (institution ou saisie individuelle, nom officiel ou alternatif), mais des conflits ne risquent-ils pas d’émerger ? Même si chacun souhaite trouver la « troisième voie » où les deux mondes s’enrichissent mutuellement dans une grande démarche d’ouverture des données, OSM peut désormais aligner une force de frappe qui risque de surprendre. Ainsi, des démonstrations ont été faites de scripts permettant d’extraire les adresses du cadastre vectoriel en ligne sur cadastre.gouv.fr (80 % des communes), de les enrichir et de les croiser avec Fantoir (fichier des noms de voies) qui semblent prometteurs. Si les outils ne sont pas parfaits, la mobilisation de la communauté pourrait sans doute permettre de lever nombre d’ambiguïtés et d’aboutir à une première base composite dédiée au géocodage.

 

Interview

OSM, c’est comme le pudding anglais

WEB-157-reportage-OSM-questÀ l’occasion du rassemblement de la communauté OSM, l’association OSM France a renouvelé son bureau. Même si la direction reste collégiale, Christian Quest en assure désormais la présidence. Il nous décrit les principaux enjeux du projet.
OSM est de mieux en mieux intégré dans les organisations professionnelles. Pourtant, certains s’inquiètent encore de la qualité des données. Que leur répondez-vous ?
Regardez la recette du pudding anglais, ça n’annonce rien de bon, mais il faut bien admettre que c’est délicieux. OSM, c’est un peu pareil. Au départ, c’est une joyeuse pagaille, mais tout le monde peut voir qu’au bout de dix ans, c’est tout sauf n’importe quoi. Pour moi, ce qui compte, c’est que le ratio entre les contributeurs qui améliorent la qualité de la base et ceux qui la dégradent, rarement par malveillance mais parfois par inexpérience, soit toujours positif.
Comment voyez-vous évoluer le rapport avec les professionnels, publics ou privé ?
Ce qui est frappant dans l’organisation de notre manifestation d’aujourd’hui, c’est l’importance du soutien institutionnel et l’émergence d’un véritable écosystème autour d’OSM. Des entreprises développent des plans de ville, des applications métier, etc. Nous devons trouver le moyen de promouvoir ces réalisations. C’est un cercle vertueux, plus OSM est utilisé, plus il est visible, et plus il est visible, plus il est utilisé et réutilisé.
Les contributions massives de certains professionnels (collectivités par exemple) ne risquent-elles pas d’assécher les contributions individuelles ? Plus la base sera complète, moins ce sera facile de mobiliser la communauté.
Quand une collectivité verse massivement des données, cela permet ensuite aux contributeurs de s’occuper de thèmes considérés comme moins prioritaires. Une fois qu’on a toute la voirie, on peut s’occuper de l’accessibilité par exemple. Le danger vient plutôt de l’intégration massive de données de moindre qualité, comme ce fut le cas avec l’importation des fichiers Tiger aux États-Unis. Là, nous nous retrouvons face à un besoin massif de corrections, et c’est une tâche bien moins valorisante pour les contributeurs que la saisie de nouvelles données ou leur mise à jour. Nous devons trouver les moyens de motiver les contributeurs, peut-être sous forme de challenges. L’émulation a été forte pour achever le découpage communal par exemple. Assurer la mise à jour des zones où les données sont très détaillées mais peu utilisées ne sera pas non plus évident. Mais là, nous comptons également beaucoup sur nos outils.
Le succès du projet ne risque-t-il pas de mettre en péril l’esprit de départ, de favoriser la récupération par des institutionnels qui vont vouloir rentabiliser leurs investissements ?
OSM est avant tout un projet citoyen et ceux qui contribuent ne doivent pas l’oublier. L’association, par exemple (tout comme la fondation internationale), n’a aucun pouvoir sur la communauté, elle peut simplement lui donner de la visibilité et faciliter une certaine logistique. Si l’un ou l’autre fait n’importe quoi, les contributeurs iront ailleurs, mais je ne vois pas trop de risque que cela arrive. En France, 3 000 personnes contribuent chaque mois, c’est notre meilleure assurance.

 

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