Les thermomètres connectés peuvent-ils cartographier le Covid-19 ?
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Voilà à nouveau Kinsa sur le devant de la scène. Après avoir fait la preuve que les données remontées par ses thermomètres connectés permettaient de suivre l’avancée de la grippe saisonnière, l’entreprise propose Healthweather.us, un tableau de bord de suivi du Covid-19.
Avec plus d’un million de thermomètres connectés en fonctionnement aux États-Unis, Kinsa en sait désormais plus et plus vite que les autorités sanitaires sur la température de la population américaine. En effet, chaque utilisateur de ses produits transmet automatiquement les résultats des prises de température à l’entreprise, qui s’engage à utiliser les informations afin d’aider les familles à mieux gérer leur santé (en évitant par exemple d’aller dans un quartier où sévit la grippe). Ces données fournies volontairement sont ensuite anonymisées et agrégées afin de produire graphes et cartes.
Un tableau de bord spécial Covid-19
Comme la température est l’un des symptômes du Covid-19, Kinsa a retravaillé sa cartographie afin de faire ressortir les zones où le taux de températures élevées était atypique, c’est-à-dire supérieur à la « normale » en saison grippale, en s’appuyant sur ses précédentes études. Même s’ils restent prudents sur leurs résultats qu’ils ont fournis aux scientifiques, les fondateurs espèrent qu’ils aideront les autorités sanitaires à s’organiser, une fois les données recoupées avec d’autres indicateurs. Mis à jour quotidiennement et conçu en partenariat avec l’université d’Oregon, le tableau de bord, baptisé healthweather.us, présente trois cartes à l’échelle des comtés : l’évolution du syndrome grippal sur sept jours, le niveau de syndrome grippal observé et les zones où ce niveau semble atypique, révélant ainsi des comtés potentiellement frappés par le Covid-19. La dernière carte a déjà révélé de nouveaux foyers en Floride (le week-end dernier) et montre que le Covid-19 touche désormais le Texas, l’Arizona, le nord-est des États-Unis…
Une carte imparfaite
Outre que la température n’est qu’un indicateur, le million de thermomètres déjà vendus par Kinsa, aujourd’hui en rupture de stock, n’est pas uniformément réparti dans la population, ni spatialement, ni socialement. Au coût unitaire de 40 $, il est loin d’être à la portée de toutes les bourses. De plus, seules les personnes se sentant fiévreuses s’en servent. Du coup, la carte des zones atypiques frappe surtout par sa couleur grise représentant les zones où les données sont insuffisantes.
Même si ce tableau de bord doit être vu comme un prototype, il donne un avant-goût de ce que pourrait être la santé publique à l’heure des objets connectés, comme l’analyse Matthew Wille dans Input. « Dans un monde parfait, chacun prendrait sa température chaque jour pendant l’épidémie, afin de suivre l’évolution des pics. Ces données pourraient ensuite être agrégées et utilisées pour réorienter rapidement les décisions politiques, en redirigeant les ressources là où elles seront le plus utiles dans les jours à venir. »
L’intérêt de ce type de tableau de bord, s’il permet de suivre l’avancée de la pandémie en temps quasi réel, peut être immense pour les responsables des systèmes de soin. Reste à comprendre son effet sur les premiers intéressés, les Américains. Peut-il être interprété comme un « bon de sortie » là où tout semble normal ? Ou peut-il pousser à la mobilisation collective ? Avec tant de gris sur la carte, va-t-il faire bouger Donald Trump ou le conforter dans son déni ?