Chroniques d’un GEOINT au goût de COVID.
Épisode 6
Catégorie: A l'actu, Cartographie, Contrats, Environnement, Institutions, Recherche, Sécurité/défense
La chronique GEOINT de Thierry Rousselin, TMCftn
Dans la pagaille ambiante, le petit monde de l’intelligence géospatiale, alias GEOINT ne pouvait pas rester à l’écart. Faisons le tour des acteurs… et de leurs actions. Et puisque tout est parti de là, comment ça se passe quand on veut rattraper ses erreurs initiales ?
Les errements de l’administration US et son impréparation à la crise actuelle ont déjà été soulignés ici. Mais depuis ça bouge. Fin juillet, l’agence de géo-intelligence américaine (NGA) a publié un appel d’offres de R&D pour disposer de solutions pour l’exploitation de données ouvertes déjà disponibles en vue d’évaluer les disparités territoriales dans l’efficacité des mesures non médicales de lutte contre la Covid-19. L’analyse de cet appel d’offres en dit long sur les orientations suivies… et sur le décalage avec la vision de la Maison Blanche.
Des idées venues d’ailleurs
Intéressons-nous d’abord à la procédure choisie, qui n’est pas anodine. Depuis 2017 la NGA s’est donné la capacité de publier des appels via le mécanisme BAA (Broad Agency Announcement). L’intérêt ? Plutôt que de s’adresser aux « contractors » référencés du département de la Défense, une annonce BAA met en relation la défense avec les industriels et chercheurs qui ont eu des contrats avec les autres ministères. De là à penser que la NGA espère trouver des réponses originales ailleurs qu’auprès d’ESRI, Leidos et consorts…
Des idées pour tous les acteurs impliqués
Maintenant regardons le contenu (officiellement il faut être dans le cercle pour y accéder mais, comme toujours dans ce genre d’annonce, des universités se sont dépêchées de mettre le texte en ligne). Rappel utile, la NGA s’intéresse au besoin et au bien-être de ses clients (« customer base ») : les militaires, les décideurs et les services de secours (« the warfighter, the policymaker, and the first responder »). Notons qu’en incluant les « first responders », elle marche sur les platebandes du DHS (en charge de la sécurité civile – on ne se refait pas !), mais comme la FEMA (en charge des « first responders » au DHS) s’est fait massacrer budgétairement par l’administration Trump, elle lui rend peut-être service.
Dans l’hypothèse d’absence de vaccin ou de thérapie efficace (eh vlan, dans les dents du Donald), la NGA souhaite évaluer toutes les interventions non pharmaceutiques (« Non Pharmaceutical Interventions ») et les prioriser en termes de coûts bénéfices à court et à long terme et d’acceptation sociale. Ces « NPIs » sont très classiques : règles de distanciation sociale, port du masque, restrictions de déplacements, fermeture d’activités.
Vers un tableau de bord géographique de l’efficacité des mesures anti-Covid ?
La deuxième thématique porte sur des outils d’aide à la décision « data driven frameworks » pour décider « objectivement » de la mise en place ou du relâchement des « NPIs ». Il est demandé des analyses rétrospectives sur l’année écoulée pour en tirer des règles prédictives à proposer aux décideurs pour les vagues à venir (qui ne sont même plus évoquées au conditionnel).
Brave mais pas téméraire, la NGA demande que tous les travaux soient basés sur des exemples pris… en dehors des USA. On ne sait jamais, le Donald pourrait être réélu et les agences de renseignement sont déjà suffisamment étiquetées anti-Trump pour ne pas risquer de devoir publier des résultats aux conclusions ravageuses.
Et à cette occasion, la NGA, qui se vantait depuis huit ans à longueur de communications triomphantes d’être une « GEOINT Enterprise », est devenue une « Biodefense Enterprise ».
Qu’on en soit encore à la rentrée 2020 en train de lancer des programmes de R&D sur l’efficacité de ces mesures est un témoignage assez tragique de l’impréparation de l’administration US. Mais pendant que, de Poutine à Trump en passant par Rajoelina, des Présidents omniscients trouvent et promeuvent leurs propres vaccins, il n’est pas anodin que les agences se posent enfin les bonnes questions (pour lesquelles malheureusement les bonnes réponses prendront du temps). Pour vos réponses et idées, c’est pour le 6 septembre. Et si vous pensez qu’elles peuvent nous être utiles, merci d’adresser copie de vos éléments à Jean Castex, 57 rue de Varenne, 75007 Paris, France (il remboursera le timbre).
À suivre…