L’EFS ou la géomatique dans le sang
Catégorie: Cartographie, Reportages, Utilisateurs, WebMapping
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Afin de comprendre qui sont les donneurs et comment les mobiliser au mieux, l’Établissement Français du Sang mise de plus en plus sur l’analyse spatiale et la géomatique. Panorama en quelques cartes.
10 000 poches de sang par jour ! C’est ce que l’Établissement Français du Sang (EFS) doit collecter pour assurer l’autosuffisance nationale en produits sanguins, et soigner chaque année un million de personnes, via des transfusions ou des médicaments à base de dérivés sanguins. Derrière ces chiffres, se cache une organisation complexe et originale. Prélèvements, préparations, qualification, analyses diverses, distribution, font de l’EFS un établissement à part, qui doit faire face à de nombreuses problématiques spatiales.
« Ce sont mes collègues de la région Pyrénées Méditerranée qui m’ont fait découvrir la cartographie avec Cartes & Données lors d’une formation il y a maintenant plus de dix ans, explique le docteur Philippe Halbout, aujourd’hui directeur du centre de Vendée, qui a beaucoup œuvré au développement de la cartographie à l’EFS et en anime la cellule géomatique. Très vite, nous avons mené les premières études. Les cartes ont révélé des dimensions spatiales invisibles sur nos tableaux Excel. »
Indice de générosité spatialisé
Parmi les premières cartes importantes créées par l’EFS, celle de l’indice de générosité, qui représente le nombre de donneurs sur la population en âge de donner. Aujourd’hui, l’indice de générosité global est de 3,72 %. La cartographie fait clairement ressortir une diagonale du vide à l’échelle de la France ainsi que la corrélation entre taux d’emploi et pourcentage de donneurs. Les analyses plus locales permettent d’identifier des zones où il y a encore du potentiel de dons.
Dénicher le potentiel de dons
« En 2006, nous avons observé une augmentation des besoins des hôpitaux, que la cartographie nous a permis de comprendre », se rappelle Philippe Halbout. Les déplacements de population âgée vers de nouveaux lieux de résidence, leur accès à de nouveaux gestes chirurgicaux, les évolutions des modes de vie… il a fallu engager une réflexion de fond sur les potentiels existants et l’organisation des collectes, qui sont essentiellement mobiles.
Le rôle clé des associations
Les associations sont fondamentales pour l’EFS, et les cartes ont permis de le prouver. « L’indice de générosité est très lié à la présence des associations, ainsi que l’indice de fidélité, qui représente le nombre de donneurs connus sur la population en âge de donner. Nous avons présenté ces cartes lors du congrès des associations de donneurs en 2015. C’était une manière de les remercier » précise Philippe Halbout.
Optimisation des collectes
Avec 40 000 collectes mobiles à organiser par an, l’EFS a de vrais défis d’optimisation spatiale. L’évolution des modes de vie, plus urbains, et des soucis de plus en plus prégnants d’efficacité conduisent parfois à relocaliser les points de collecte afin de capter plus de personnes, éviter de déplacer les équipes sur de trop longues distances tout en tenant compte du contexte local. De véritables analyses de géomarketing opérationnel basées sur des zones de chalandise et des isochrones sont menées. Elles sont rendues possibles grâce à une base de données de l’ensemble des donneurs, aujourd’hui consolidée au niveau national.
Analyse des groupes sanguins rares
Certains groupes sanguins sont très rares et le recrutement de donneurs est encore plus crucial pour ces populations, notamment antillaises. La cartographie fait clairement ressortir l’inadéquation spatiale entre les donneurs habituels et receveurs potentiels.
Qui donne et pourquoi ?
Pourquoi sommes-nous si peu nombreux à donner notre sang ? « Quand je suis arrivé en Vendée, j’ai été surpris par l’appétence des Vendéens, qui donnent beaucoup plus que la moyenne nationale, explique Philippe Halbout. Un jour, j’ai découvert une carte ancienne, réalisé par le Chanoine Fernand Boulard dans les années cinquante, qui représente les gens qui vont régulièrement à la messe. Sa superposition avec la carte de l’indice de générosité m’a tout de suite frappé. » Que signifie cette concordance ? Le don de sang aurait-il quelque chose à voir avec le sang du Christ ou la religion catholique en général ? Il faudra certainement mobiliser anthropologues et sociologues pour comprendre le lien entre ces deux cartes. Ce que Philippe Halbout espère, c’est que ces études pourront également aider l’EFS à recruter et fidéliser de nouveaux donneurs, plus jeunes, dans un pays où la religion catholique n’a plus du tout la même influence.
Aujourd’hui, l’EFS s’est doté une cellule géomatique au niveau national, qui comprend six personnes dont deux géomaticiens, ainsi que sur un réseau de correspondants en région. Quelques licences Cartes & Données d’Articque, faciles à prendre en main pour des statisticiens, côtoient désormais des licences QGIS, plus appréciées par les géographes. Une nouvelle solution Galigéo sur Business Objects est également en cours de mise en place, qui ira s’alimenter sur un datamart, afin de répondre aux demandes quotidiennes de visualisation cartographique d’indicateurs simples. À l’EFS, la géomatique est aussi diverse que les métiers et les problématiques spatiales.
Pour aller plus loin :
- État de l’art : La géomatique au service de la collecte de sang. Un article publié par P. Halbout, J.-P. Lebaudy, F. Gagneux, N. Brosius, B. Pelletier et B. Danic en 2015 sous ce lien.
- Présentation vidéo et supports de Philippe Halbout aux 30 ans d’Articque.
- Dossier sur géomatique et santé, paru en janvier 2016 sous ce lien.