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Tempête dans un cours d’eau

| 14 octobre 2015 | 0 commentaire

Catégorie: Cartographie, Données, Environnement, Institutions, Reportages, Secteur public

Le 3 juin dernier, Ségolène Royal signait une instruction du gouvernement enjoignant ses services à réaliser une cartographie complète des cours d’eau relevant de la police de l’eau avant la fin de l’année 2015. Elle espère ainsi mettre un point final aux querelles qui opposent régulièrement services de l’État et agriculteurs. Mais ce chantier titanesque créé aussi des tensions.

Qu’est-ce qu’un cours d’eau ? La réponse semble évidente mais elle fait l’objet de vives discussions. Car il y a toute une série de réponses selon le point de vue où l’on se place. Par exemple, pour bénéficier d’une subvention au titre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), les cours d’eau doivent être bordés par une bande enherbée ou boisée de cinq mètres de large au minimum. Pour les repérer sur la carte, les services de l’État se basent sur les linéaires en trait plein ou en pointillé sur les cartes au 1/25 000 IGN. À chaque mesure (directive nitrates, trames bleues, zones non traitées…) sa définition et sa cartographie plus ou moins détaillée.

Cours d’eau, canal ou simple fossé ? Les obligations d’entretien varient selon la définition.

Cours d’eau, canal ou simple fossé ? Les obligations d’entretien varient selon la définition.

Des mesures mais pas de définition

Or les cours d’eau relevant de la police de l’eau (mise en place dans les années soixante), n’ont jamais été clairement définis. Ils doivent être régulièrement entretenus par leurs propriétaires et tous gros travaux (notamment ceux qui modifient leur profil en long ou en travers) doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation. Aussi, c’est régulièrement la bagarre entre agriculteurs et services de l’État (c’est l’ONEMA* qui est chargée de la police de l’eau avec l’appui des DDT* et de l’ONCFS*) pour savoir s’il s’agit d’un fossé, d’un canal ou d’un cours d’eau.

Devant la montée des tensions, la ministre de l’Environnement a sifflé la fin de la récréation et a mis tout le monde au pas dans une instruction publiée début juin. En s’appuyant sur une jurisprudence de 2011 du Conseil d’État, est considéré comme cours d’eau « tout écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant une majeure partie de l’année ». Même si l’effort de définition est louable, il laisse quelques marges d’interprétation : jusqu’où dans le temps remonte l’origine ? Qu’est-ce qu’un débit suffisant ? Et combien de mois faut-il pour couler la majeure partie de l’année ? Du coup, cette définition peut être remplacée par un faisceau d’indices là où c’est nécessaire (présence de vie aquatique, continuité écologique….).

La ministre charge ses services de réaliser une cartographie exhaustive des cours d’eau relevant de cette définition, en concertation avec les parties prenantes… d’ici la fin de l’année pour au moins les deux tiers du territoire.

Le Loiret est un des départements les plus avancés dans la cartographie de ses cours d’eau. En vert, ceux qui relèvent des BCAE, en bleu, ceux qui relèvent de la police de l’eau (capture d’écran Cartélie)

Le Loiret est un des départements les plus avancés dans la cartographie de ses cours d’eau. En vert, ceux qui relèvent des BCAE, en bleu, ceux qui relèvent de la police de l’eau (capture d’écran Cartélie)

Un chantier en eaux troubles

Sur quel référentiel s’appuyer ? La BD Carthage n’a pas une résolution suffisante. Le thème hydrographique de la BD Topo ? Les Scan 25 ? L’idée est bien d’aboutir à une base vectorielle nationale, mais chaque département doit se débrouiller en fonction de ses propres compétences et de sa situation locale. Car chaque référentiel a ses qualités et ses défauts et des études ont montré qu’une cartographie exhaustive des cours d’eau implique à la fois de supprimer et d’ajouter certains tronçons aux cartes et bases de données actuelles. L’ONEMA a publié une note de cadrage et assiste les DDT, mais un modèle de données Sandre* est toujours en cours de spécification à l’heure où nous écrivons. La définition comportant ses propres marges d’interprétation, l’obligation de concertation risque fort de voir s’opposer deux camps : ceux qui militent pour les fossés et canaux, soumis à une réglementation plus légère, et ceux qui veulent classer le plus d’éléments possible en cours d’eau.

La question de la consolidation des travaux effectués à l’échelle départementale n’est pas simple à régler non plus. Elle sera assurée par les DREAL* à l’échelle régionale, qui transmettront également à l’IGN les modifications à apporter à la BD Topo (écoulements en plus principalement). La consolidation nationale sera effectuée par l’ONEMA. Restera ensuite à assurer une diffusion élargie de cette cartographie et à assurer sa mise à jour. « Le côté positif, c’est que ce chantier nous a permis de relancer la BD Topage, déclinaison de la BD Carthage sur la géométrie de la BD Topo, qui devrait devenir à terme le référentiel hydrographique national » conclut Laurent Coudercy, chef du département données sur l’eau à l’ONEMA.

Abréviations

  • ONEMA : Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Établissement public, sous tutelle du MEDDE et en charge, entre autres, de la surveillance de l’état des eaux
  • ONCFS : Office national de la chasse et de la faune sauvage
  • DDT : Direction départementale des territoires
  • Sandre : Service d’administration nationale des données et référentiels sur l’eau
  • DREAL : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

 

 

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