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Entre géo et décisions

| 20 novembre 2017

Catégorie: Dossier : Géomatique et décision, Entreprises, Géomarketing, Logiciels, Marché, Utilisateurs

1500 mots, environ 4mn de lecture

Les systèmes d’information géographique permettent de gérer des territoires, des réseaux de toutes sortes… ils aident également à la prise de décision en faisant parler les données. Pour faciliter ce type d’usage, des outils dédiés existent. Derrière des terminologies variées se cachent des visions différentes du rôle de l’information géographique dans la prise de décision. Éditeurs et experts nous expliquent leur position.

« Par définition l’outil carte est là pour aider à prendre des décisions » résume Damien Palvadeau, directeur commercial de Business Geografic. Derrière ce constat commun, comment cerner cette partie de la géomatique orientée vers la prise de décision ?

Questions de terminologie

Certains se reconnaissent facilement dans le terme « géodécisionnel », parfois affiché en première page de leur site Web, comme François Paris de PrestaSIG qui propose son « expertise géodécisionnelle » et réalise des études sous Geoconcept. « C’est la façon dont on présente les choses même si c’est un peu fourre-tout. À mes yeux les termes de géo-business-intelligence, de géo-intelligence sont assez synonymes » explique Damien Palvadeau. Une analyse qu’il partage avec Christine Daniaud, directrice du département produits et connaissances chez Geoconcept. Pour Sébastien Connesson, directeur technique de Galigéo, tout comme pour Jean-Laurent Vidal, directeur général de Pitney Bowes en France, c’est bien la notion de « location intelligence » qui représente le mieux l’activité. Chez Articque par contre, on parle plutôt de « cartographie décisionnelle », héritage d’un positionnement dans la cartographie statistique. Quant au géomarketing, il apparaît finalement comme une déclinaison métier de la « location intelligence », centrée sur les aspects commerciaux. Au final, ces définitions floues « couvrent beaucoup de technologies » pour Sylvain Decloix, responsable du pôle Business Intelligence chez Atol CD.

« La carte comme outil d’aide à la décision » : un positionnement clair pour François Paris de Prestasig (http://presta-sig.com/).

« La carte comme outil d’aide à la décision » : un positionnement clair pour François Paris de Prestasig (http://presta-sig.com/).

Alors, trop étroit ou trop large le « géodécisionnel » ? « On n’utilise pas ce terme car on ne sait pas le définir, renchérit Laurent Lepiller, responsable des études géomarketing chez Esri France. De quoi parle-t-on ? De mettre de la géomatique dans la business intelligence pour faire du reporting ? De faire de l’analyse spatiale et de la géo-statistique ? De proposer des applications pour faire des synthèses et prendre des décisions ? La plateforme Esri permet d’aborder ces trois domaines. »

Entre géo-décisions opérationnelles (aller à tel endroit pour récupérer un colis) et géo-décisions stratégiques (supprimer une agence mal positionnée), les frontières ne sont pas toujours aussi claires que dans notre exemple. Du coup, plusieurs familles de logiciels peuvent entrer dans une chaîne géodécisionnelle, comme le montre le reportage sur le groupe SNI. Comment se positionnent les différents acteurs du marché ? Quelles en sont les limites ?

Géodécisionnel : d’hier à aujourd’hui, où on est l’offre ?

Dès l’émergence d’outils de business intelligence, certains spécialistes du SIG se sont attachés à créer des liaisons avec leurs propres outils, ayant bien compris qu’un nouveau marché émergeait. « Déjà en 1996, nous avions noué un partenariat avec Business Object. Ils ajoutaient des cartes à leur outil. À la fin des années quatre-vingt-dix, on est parti dans l’autre sens et on a intégré un module Business Object dans Geoconcept » rappelle Christine Daniaud. Une entreprise comme Galigéo s’est même créée pour réaliser des ponts entre les deux familles d’outils. « On a été parmi les premiers à se lancer en 2001, grâce à un projet expérimenté chez Orange sur la mise en lien entre le SIG et les outils de mesure de la qualité du réseau. L’application a eu un vif succès chez les utilisateurs, cela nous a permis de développer notre offre » détaille Sébastien Connesson. Sword s’est pour sa part lancé il y a une dizaine d’années, et a réalisé des premiers couplages entre les outils Esri et Business Objects dans le domaine du géomarketing. « On a commencé à s’intéresser au sujet en 2005, pour trouver de nouveaux champs d’application de la cartographie en dehors du public traditionnel des SIG, explique Damien Palvadeau. Le décisionnel était en pleine explosion à cette époque, avec une croissance de plus de 100 % par an. »

Le géodécisionnel n’est pas réservé aux banques ou aux enseignes de la grande distribution. RTE utilise les solutions Galigeo pour analyser la qualité du service local et anticiper les territoires à risques. (document Galigeo)

Le géodécisionnel n’est pas réservé aux banques ou aux enseignes de la grande distribution. RTE utilise les solutions Galigeo pour analyser la qualité du service local et anticiper les territoires à risques. (document Galigeo)

De la BI au SIG et inversement

Deux approches coexistent : d’une part, intégrer les données exploitées dans les outils de BI au cœur des SIG pour des traitements complémentaires et faciliter leur visualisation. D’autre part, ajouter une brique cartographique dans les outils de BI afin de faire de la carte l’un des moyens de visualisation des données, indicateurs et scores.

La simplicité des représentations dans le couplage BI/SIG peut dérouter, mais c’est ce que réclament les utilisateurs (document Articque)

La simplicité des représentations dans le couplage BI/SIG peut dérouter, mais c’est ce que réclament les utilisateurs (document Articque)

La première approche nécessite le développement de multiples connecteurs, car la famille des logiciels BI est vaste, « Le problème des sources décisionnelles c’est qu’elles sont réparties et gigantesques. Il faut donc s’y adapter » analyse Damien Palvadeau. Explorer la dimension géographique des données exploitées dans les logiciels de Business Intelligence n’est pas simple non plus, car les logiques à l’œuvre sont très différentes. Il ne suffit pas de se connecter aux bases de données, ce que les SIG savent faire depuis longtemps, il faut également les interroger d’une autre façon, via des requêtes dynamiques. « Avec un SIG, c’est difficile : douze mois de résultats de ventes sur cinq produits avec cinq typologies de clients… ça fait déjà mille combinaisons : un SIG ne sait pas faire » rappelle Sébastien Connesson. Dans un outil de BI, pas question d’écrire une colonne chaque fois qu’un nouveau champ est calculé. Le « drill-down », qui permet de changer d’échelle dans l’interrogation dynamique des données, implique également de générer de nouvelles cartes à la volée.

Aujourd’hui, l’offre logicielle est vaste dans un sens comme dans l’autre. La gamme ArcGIS par exemple sait se connecter à toutes sortes d’outils BI, même des générations les plus récentes. Articque a des plug-ins pour Qlik, Business Objects, Cognos, Salesforce. Certains se concentrent sur certaines familles de produits comme Galigeo qui propose des solutions sur la famille SAP/Business Objects.

ArcGIS MAP for Power BI de Microsoft : l’un des modules publiés par Esri pour enrichir un logiciel de BI.

ArcGIS MAP for Power BI de Microsoft : l’un des modules publiés par Esri pour enrichir un logiciel de BI.

Côté logiciels de BI, là encore, les modules cartographiques sont nombreux. Sur Qlik par exemple, deux éditeurs sont en compétition rien qu’en France, Articque avec Articque MAP et Business Geografic avec GeoQlik. Des modules existent également pour les offres open source, dont la principale est certainement Pentaho. ATOL C&D a par exemple développé des modules afin d’intégrer des données géographiques dans Pentaho et les exploiter pour projeter des indicateurs. L’entreprise a de plus présenté cet été un module de visualisation SVG pour Pentaho.


Amazing dataviz : une vidéo publiée par Galigeo qui montre l’étendue des possibilités de la géo-intelligence

Mais les logiciels se sont eux-mêmes renforcés en capacités cartographiques. « Les éditeurs commencent par intégrer quelques fonctions de base au début. Dans un deuxième temps, ils travaillent avec les professionnels comme nous pour fournir des solutions plus élaborées, analyse Damien Palvadeau. Mais ensuite, ils intègrent des composants qui vont de plus en plus loin. » Un bel exemple a été donné avec Qlik qui a racheté son partenaire suédois Idevio en début d’année.

Le Big Data rapproche les deux mondes

La dimension cartographique peut s’appliquer à autre chose que des espaces géographiques. Ici, une application pour visualiser rapidement les parties du corps qui donnent lieu aux séjours les plus longs dans un hôpital (document Arctique)

La dimension cartographique peut s’appliquer à autre chose que des espaces géographiques. Ici, une application pour visualiser rapidement les parties du corps qui donnent lieu aux séjours les plus longs dans un hôpital (document Arctique)

Les leçons apprises par des éditeurs de SIG au contact de la BI portent également leurs fruits, et viennent en retour enrichir les logiciels, devenus notamment plus agiles dans la gestion des requêtes, dans la prise en compte de hiérarchies entre les données, dans la représentation de données massives sous forme de flux, dans l’intégration de modes de visualisation non cartographiques, dans la génération de tableaux de bord synthétiques. Une évolution bien venue avec l’arrivée du Big data, qui implique des volumétries et des modes de fonctionnement nouveaux pour les SIG, mais qui a besoin de l’expertise géomatique. « Désormais, la restitution cartographique a toute son importance, car l’analyse spatio-temporelle est cruciale » souligne Maxime Grinfeld de Sword, qui publie un plug-in Big Data orienté BI pour la gamme Esri baptisé Sword Insight.

Analyse des réseaux sociaux, du darkweb, des forums, de vidéos… l’analyse sémantique de contenus non structurés intègre désormais la BI, comme le montre cet exemple publié par Sword sur son site.

Analyse des réseaux sociaux, du darkweb, des forums, de vidéos… l’analyse sémantique de contenus non structurés intègre désormais la BI, comme le montre cet exemple publié par Sword sur son site.

« La composante géographique a une grande force pour identifier et qualifier un client » insiste Jean-Laurent Vidal. « Nos clients sont fascinés par ces sources d’information nouvelles, et en même temps, ils sont submergés. Cela rend le besoin d’aide à la décision d’autant plus important » remarque Hélène Auguet, directrice générale d’Articque. « Il faut donc dans un premier temps géolocaliser les informations, ensuite, faire des analyses spatio-temporelles, puis lancer des géo-traitements » détaille Maxime Grinfeld. Même si le Big Data répond rarement seul à une problématique et sert plutôt à donner du contexte, c’est le sujet qui semble occuper tous les éditeurs, bien décidés à montrer leur valeur ajoutée.

Dans la grande famille de la « géo-intelligence » certains, comme Pitney Bowes ou Galigeo ont également une vision très opérationnelle. Il s’agit alors d’intégrer des fonctions de géolocalisation dans des outils de pilotage tels qu’ERP ou CRM, de les décliner de l’ordinateur de bureau au plus petit smartphone. Là encore, un marché immense s’ouvre aux spécialistes de la dimension géographique. (Présentation de Spectrum Spatial Analyst de Pitney Bowes)

Dans la grande famille de la « géo-intelligence » certains, comme Pitney Bowes ou Galigeo ont également une vision très opérationnelle. Il s’agit alors d’intégrer des fonctions de géolocalisation dans des outils de pilotage tels qu’ERP* ou CRM*, de les décliner de l’ordinateur de bureau au plus petit smartphone. Là encore, un marché immense s’ouvre aux spécialistes de la dimension géographique. (Présentation de Spectrum Spatial Analyst de Pitney Bowes)

Le rapprochement entre les deux familles de solutions semble bien en cours et des accords seront sans doute annoncés d’ici peu avec les toutes dernières générations d’outils (Dynamics de Microsoft, SAP Lumira…). Mais il est encore loin d’être complet. Si les SIG héritent de nouvelles fonctions et façons de faire de la BI, si les logiciels de BI ont compris ce qu’est une carte, les vocabulaires et les publics ne sont pas les mêmes. Un ArcGIS Insight vise plutôt les utilisateurs de SIG, data scientists et autres géo-statisticiens, tandis qu’un Tableau parle la langue du marketing. « On ne parle plus de discrétisation, on n’ouvre pas une carte mais une étude » reconnaît Christine Daniaud de Geoconcept.

*ERP ou « Entreprise Resource Planning » désigne les logiciels de gestion intégrée (exemple SAP)

*CRM : logiciels de gestion de la relation client (exemple Salesforce)

 

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