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Géomatique de campagne

| 17 février 2014 | 1 commentaire

Catégorie: Cartographie, Données, Reportages, Secteur public, Services

Pour la première fois en France, les technologies géomatiques vont jouer un rôle dans les élections municipales de mars prochain. Cette intégration du numérique ne devrait pas éloigner les candidats du terrain, bien au contraire.

Bien sûr, vous n’échapperez pas aux cartes présentant les résultats des prochaines élections municipales, qui mettront à jour certaines tendances de fond des partis malgré la dimension « personnelle » des élections municipales. Il y a fort à parier que journaux et sites Internet proposeront qui des analyses, qui des applications interactives pour consulter les résultats dans toute la France. Par leur nature même, ces élections ont une forte connotation locale et donc géographique.

Pour l’instant, c’est l’heure des distributions de tracts sur les marchés, du porte-à-porte de début de soirée, des réunions publiques thématiques. Certains candidats travaillent à intégrer le numérique dans leur stratégie de campagne, voire le géonumérique, et c’est cartes en main qu’ils partent à la rencontre de leurs électeurs.

Affichage en cartes

« Le géonumérique est fondamental dans la campagne » explique Clémence Pène, responsable du numérique pour la campagne d’Anne Hidalgo à Paris. « Nous avons souhaité faire la campagne la plus locale possible, ce qui implique une géolocalisation fine. » Ainsi, les internautes peuvent suivre en direct depuis début février l’ensemble des déplacements de la candidate à la mairie de Paris, montrant ainsi l’action politique en action. Le site Internet utilise également la cartographie pour localiser les différentes actions et propositions des candidats d’arrondissement sur des données Open Street Map. Dans le camp d’en face, le site de Nathalie Kosciusco-Morizet propose de suivre sur une même carte les activités de la candidate et des militants.

Sur le site http://www.nkmparis.fr/, les militants peuvent suivre les actions de campagne de Nathalie Koscisuco-Morizet ainsi que les opérations des équipes de terrain : tractage, cafés politiques, réunions d’informations…

Sur le site http://www.nkmparis.fr/, les militants peuvent suivre les actions de campagne de Nathalie Koscisuco-Morizet ainsi que les opérations des équipes de terrain : tractage, cafés politiques, réunions d’informations…

Ciblage des actions de terrain

Si les analyses territoriales existent depuis longtemps, le développement de l’open data permet d’accéder plus simplement à toutes une série de données utiles pour comprendre son territoire. Certains contours de bureaux de vote ont par exemple été libérés et il est désormais beaucoup plus facile d’y accéder, de même qu’aux résultats des élections précédentes. Outre la description socio-économique du territoire, l’intégration des opérations d’aménagement (qu’il s’agisse de les dénoncer ou de les valoriser), permet également de cibler les actions de communication politique. Avoir une vision précise du nombre de crèches et de leurs capacités d’accueil, des commerces par catégories… tout est important pour cibler le discours.

Vincent Pons, chercheur en économie, et ses collègues de l’agence Liegey-Muller-Pons vont plus loin et proposent une modélisation des potentiels des quartiers : « Nous analysons les résultats électoraux précédents par bureau de vote, nous intégrons également la notoriété des candidats et les caractéristiques socio-démographiques pour prédire le score attendu et le score qu’ils peuvent espérer s’ils mènent une campagne poussée. Cela nous permet de définir des quartiers d’action prioritaire, là où les réserves de voix sont importantes. » Si le modèle de statistique prédictif est complexe, son expression cartographique est simple : en rouge les quartiers où une action est recommandée, en jaune, les quartiers non prioritaires.

Car, finalement, ce qui paye, c’est le porte-à-porte, comme l’ont montré différentes recherches menées notamment aux États-Unis à la suite de l’effondrement de la participation aux élections dans les années 90. Alors, pour limiter les efforts, il faut cibler les quartiers intéressants.

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Le tracé des contours de chaque bureau de vote et la création des tronçons de rue se fait à l’amont de Cinquante plus un. Les utilisateurs, candidats, équipes de campagne, militants, accèdent à un service en ligne sécurisé et visualisent la cartographie via une API Google Maps.

Le tracé des contours de chaque bureau de vote et la création des tronçons de rue se fait à l’amont de Cinquante plus un. Les utilisateurs, candidats, équipes de campagne, militants, accèdent à un service en ligne sécurisé et visualisent la cartographie via une API Google Maps.

Accompagnement des militants

« Certains candidats disposent désormais d’outils de reporting, qui leur permettent de suivre au jour le jour l’organisation de leur campagne, les rues touchées par telle ou telle distribution de tracts, le nombre de portes auxquels les militants ont frappé, etc. Personnellement, je me base sur une sorte d’Ushaidi dédié au monde politique » explique Gaël Musquet qui a mis sa casquette d’autoentrepreneur pour aider deux candidats aux municipales, Loïg Raoul dans le premier arrondissement de Paris et Jean-Luc Miraux à Vernon dans l’Eure. L’agence Liegey-Muller-Pons qui avait fait ses armes autour de la campagne de François Hollande propose désormais une offre logicielle, Cinquante plus un, qui permet non seulement de visualiser les analyses prédictives, mais également de gérer les campagnes au quotidien. « Quand le candidat clique sur un bureau de vote prioritaire, il visualise l’ensemble des rues. Il peut alors sélectionner des ensembles de tronçons de rue qui correspondent à une séance de deux heures de porte-à-porte. » Les militants responsables de l’opération impriment leur carte avant de partir sur le terrain. Le soir, en quelques minutes, ils valident la zone couverte, ajoutent quelques commentaires éventuels. Au fur et à mesure des actions effectuées, les données sont agrégées et la couleur du quartier évolue jusqu’à ce que toutes les actions prévues aient été réalisées ! L’outil a séduit le PS avec qui les jeunes entrepreneurs ont signé un accord-cadre (et d’exclusivité). Désormais, une cinquantaine de villes utilisent Cinquante plus un dont Paris, Montpellier, Suresnes, Boulogne-Billancourt, Perpignan et Brest.

Récupérer des mails

Disposer d’une base d’adresses mails est également utile pour envoyer des messages ciblés à des personnes précédemment qualifiées. Mais la CNIL veille. Pas question d’utiliser les fichiers municipaux (pour les candidats qui sont déjà en place) pour faire de la promotion. Louer des fichiers qualifiés pour des opérations de mailing, comme le ferait n’importe quelle entreprise coûte cher pour des résultats souvent décevants. De plus, seuls celles et ceux qui exprimeront leur volonté de recevoir de plus amples informations entreront dans la base du candidat. Le PS dispose néanmoins d’une base de données exceptionnelle, constituée lors des primaires de la présidentielle, mais qui nécessite une qualification permanente. Pour récolter de nouveaux contacts, c’est le système D. Gaël Musquet a eu l’idée de déployer des PirateBox dans certaines zones stratégiques. Ainsi, quand une personne cherche un wifi pour se connecter, elle voit apparaître celui d’un candidat et se connecte alors sur un réseau fermé où lui seront dispensés les bons messages. C’est en fonction de ses analyses cartographiques qu’il localise ses différentes bornes.

Mobiliser les jeunes « branchés »

L’intégration du numérique est aussi un moyen de toucher une population plus jeune, connectée, de mobiliser les militants, de percevoir le pouls de la ville et de le prendre en compte dans la constitution des programmes. Clémence Pène ne s’y est pas trompée et organisait fin janvier, un hackathon pour recueillir de bonnes idées, pourquoi pas amusantes, autour du numérique sur Paris. « Nous poursuivons deux objectifs avec ce hackathon : travailler collectivement sur des applications mobilisables pour la campagne et rencontrer la communauté numérique parisienne » explique-t-elle.

Être présent sur les réseaux sociaux, disposer d’un compte Facebook, être maire de sa commune sur Foursquare, toutes ces actions ne changeront sans doute pas le résultat des élections, mais elles peuvent aussi permettre de gagner quelques points. Utiliser le numérique dans la campagne, c’est aussi s’engager dans une politique du numérique, qui peut devenir un enjeu territorial. « À Vernon, ville-dortoir dont plus du tiers de la population active travaille à Paris, proposer des espaces de coworking, des rencontres autour d’un Fab lab, c’est aussi permettre aux gens de se réapproprier leur ville, de s’y rencontrer physiquement et pourquoi pas, à terme, de développer des emplois sur place, autant d’actions qui peuvent être discutées et commentées en ligne » analyse Gaël Musquet.

Ce tournant numérique ne concerne bien entendu pas l’ensemble des 36 000 communes françaises, loin s’en faut. Mais, à gauche comme à droite, les équipes de campagne savent désormais qu’une campagne de terrain bien orchestrée doit s’organiser autrement que sur des impressions. Une tendance de fond qui concerne d’ailleurs tous les pays européens et pour laquelle « la France a même un peu d’avance » comme le remarque Vincent Pons.

 

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Commentaires (1)

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  1. Françoise De Blomac dit :

    Municipales 2014 : le numérique trouve enfin sa place dans la campagne électorale @01Net : http://www.01net.com/editorial/615278/municipales-2014-le-numerique-trouve-enfin-sa-place-dans-la-campagne-electorale/#?xtor=EPR-1-%5BNL-01net-Actus%5D-20140304

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